Par Brian N. Forbes, président du Conseil national des associations d'anciens combattants au Canada et président du comité de direction de l'Association des Amputés de guerre du Canada
1er octobre, 2018 – La Cour suprême du Canada a rejeté récemment le recours collectif Equitas, ce qui est venu mettre fin à la poursuite judiciaire intentée contre le gouvernement fédéral au nom de la communauté des anciens combattants handicapés du Canada.
Les représentants du recours collectif, qui ont fait montre de détermination et de courage, demandaient à la base une ordonnance de la cour pour obliger le gouvernement/Anciens Combattants Canada à s'attaquer à l'écart financier observé entre les prestations d'invalidité attribuées aux anciens combattants traditionnels en vertu de la Loi sur les pensions et les prestations prévues par la Nouvelle Charte des anciens combattants (maintenant connue sous le nom de Loi sur le bien-être des vétérans).
Malgré la décision de la Cour suprême du Canada, la bataille se poursuit alors que le différend s’est déplacé de la sphère de compétence légale à l'arène politique dans le but de parvenir à une solution relativement à cette préoccupation de longue date.
Il est important de se rappeler que, pendant la campagne électorale de 2015, dans le contexte du recours collectif Equitas, le premier ministre avait pris un engagement officiel à l'endroit des anciens combattants canadiens : si son parti devait être porté au pouvoir, il ne serait plus nécessaire pour les anciens combattants handicapés de poursuivre un tel recours collectif puisque son gouvernement rétablirait la pension à vie comme solution de rechange à l'indemnité d'invalidité forfaitaire. Il était clair que cet engagement permettrait de régler tout spécialement la discrimination fondamentale présente entre les prestations d'invalidité prévues par la Loi sur les pensions et celles inscrites dans la Nouvelle Charte des anciens combattants/Loi sur le bien-être des vétérans, l'écart observé étant depuis le début au cœur même de l'action en recours collectif.
D'un point de vue global, le Conseil national des associations d’anciens combattants (CNAAC) continue d'alléguer que la loi émanant du projet de loi C-74, partie 4 (essentiellement la mesure législative découlant de l'annonce faite par le ministre Seamus O'Regan le 20 décembre 2017 relativement à la promesse attendue depuis longtemps d'offrir une « pension à vie ») ne respecte pas l'engagement pris par le gouvernement libéral pendant la campagne électorale de 2015 de corriger les inégalités relevées dans la Nouvelle Charte des anciens combattants. De plus, elle continue d'ignorer un problème évident qui a assombri toute cette discussion. Le gouvernement n'a pas réussi à répondre aux attentes des anciens combattants en ce qui a trait à cet engagement officiel de « rétablir la pension à vie » en vertu de la charte en vue d'offrir un niveau comparable de soutien financier à tous les anciens combattants handicapés et à leurs familles durant toute leur vie.
En ce qui a trait précisément aux dispositions de la nouvelle loi entrant en vigueur le 1er avril 2019, les modifications législatives et réglementaires sont visiblement le reflet d'une tentative de la part du gouvernement de créer une forme de « pension à vie » qui comprend les trois éléments suivants :
Même si, comme toujours, tout est dans les détails quand il s'agit de déterminer la pertinence de ces nouvelles dispositions législatives et des modifications réglementaires découlant du projet de loi C-74, partie 4, pour chaque ancien combattant handicapé, il est assez évident que seulement un nombre restreint d'anciens combattants gravement handicapés et leurs survivants pourront tirer profit de ces nouvelles mesures législatives par comparaison avec le niveau d'admissibilité prévu dans l'actuelle Nouvelle Charte des anciens combattants/Loi sur le bien-être des vétérans. Cependant, la vaste majorité des anciens combattants handicapés ne seront pas vraiment touchés par cette loi puisque l'applicabilité des nouvelles prestations prévues par les modifications législatives et réglementaires proposées sera restreinte. Par ailleurs, il va de soi que l'écart financier entre la Loi sur les pensions et la Nouvelle Charte des anciens combattants/Loi sur le bien-être des vétérans sera toujours présent chez cette importante cohorte d'anciens combattants handicapés du Canada.
Il faudra en faire beaucoup plus pour améliorer la charte et ainsi régler les problèmes évidents; en effet, les mesures législatives découlant du projet de loi C-74, partie 4, n'ont pas réussi à dissiper les principales préoccupations de la communauté des anciens combattants sur les aspects suivants :
Il est tout à fait inacceptable que l'on retrouve encore au Canada des lois sur les vétérans qui accordent une indemnisation beaucoup plus élevée à un ancien combattant blessé avant 2006 (date de la promulgation de la Nouvelle Charte des anciens combattants) qu'à un vétéran blessé après 2006. Dans le cadre du conflit en Afghanistan, en raison de cette discrimination, on se retrouve avec des anciens combattants ayant pris part à la même guerre, mais qui reçoivent des prestations de pension complètement différentes.
Pendant les discussions qui ont fait suite au budget de 2017 et qui ont mené à l'annonce du ministre, la communauté des anciens combattants craignait beaucoup, et avec raison finalement, que le gouvernement se contente d'offrir une option de paiement forfaitaire (indemnité d'invalidité) qui serait réparti ou revu au cours de la vie de l'ancien combattant dans le but d'établir une pension à vie. Le CNAAC, d’autres intervenants de la communauté des anciens combattants et le Groupe consultatif sur les politiques relatives aux vétérans ont vivement critiqué cette proposition, la jugeant totalement inadéquate et impropre à offrir la sécurité financière à vie souhaitée par la communauté des anciens combattants.
Il serait juste de dire que les intervenants avaient une attente raisonnable, soit que l’on puisse établir une certaine forme de volet unique de revenus qui effacerait la disparité financière entre les prestations reçues aux termes de la Loi sur les pensions et celles obtenues en vertu de la Nouvelle Charte des anciens combattants, et ce, pour chacun des anciens combattants handicapés.
Le CNAAC a recommandé à maintes reprises au ministre et au Ministère qu'ACC adopte les grandes conclusions du groupe consultatif ministériel contenues dans son rapport présenté officiellement dans le cadre du Sommet des anciens combattants à Ottawa, en octobre 2016, ainsi que les recommandations énoncées dans le Programme législatif de 2017 du CNAAC – selon ces deux documents, c’est en combinant les meilleures dispositions de la Loi sur les pensions et les meilleures dispositions de la Nouvelle Charte des anciens combattants que l’on obtiendrait une forme de pension à vie beaucoup plus réaliste assurant la sécurité financière des anciens combattants qui ont besoin d’une telle aide durant toute leur vie.
Si l'on veut que la philosophie « un vétéran, une norme » prônée par ACC conserve une certaine signification, il faut que le gouvernement profite de ce moment pour s'attaquer à l'inégalité flagrante entre les avantages financiers prévus par la Loi sur les pensions et ceux inscrits dans la Nouvelle Charte des anciens combattants/Loi sur le bien-être des vétérans offerts à la grande majorité des anciens combattants handicapés ainsi que pour répondre aux besoins financiers des vétérans canadiens et de leurs personnes à charge. Avec la nouvelle mesure législative énoncée dans le projet de loi C-74, partie 4, nous avons raté une occasion de reconnaître que le pacte social qui existe depuis longtemps entre le peuple canadien et la communauté des anciens combattants n'exige rien de moins.
Nous vous invitons à consulter les articles d'opinion du CNAAC publiés dans les derniers mois pour faire suite à l'annonce du ministre et à des déclarations publiques faites par la suite. La présente analyse ainsi que les annexes A et B définissent de manière très détaillée les principales lacunes et faiblesses relevées dans la prise de position d'ACC et décrivent une série de propositions indiquant ce qui peut être fait pour améliorer le concept de pension à vie découlant du projet de loi C-74, partie 4.
Nous encourageons vivement le gouvernement à envisager sérieusement de mettre en œuvre la recommandation principale suivante du Groupe consultatif sur les politiques relatives aux vétérans comme première étape pour régler ce problème évident :
L'amélioration de l'allocation pour perte de revenus/allocation pour incidence sur la carrière pour en faire un seul flux de revenus à vie et l'ajout de l'allocation d'incapacité exceptionnelle, de l'allocation pour soins et d'une nouvelle prestation mensuelle pour la famille en vertu de la Loi sur les pensions garantiront à tous les vétérans qu'ils recevront les soins et le soutien qu'ils méritent, quand ils en auront besoin et tout au cours de leur vie.
Concrètement, nous suggérons également de prendre les mesures suivantes pour améliorer considérablement les dispositions législatives et modifications réglementaires concernant la proposition de pension à vie contenue dans le projet de loi C-74, partie 4, ce qui contribuerait grandement à la réalisation de l'approche « un vétéran, une norme » qu'applique présentement ACC comme principe fondamental d'administration :
Élargir les critères d'admissibilité énoncés dans la mesure législative et dans les modifications réglementaires pour la nouvelle indemnité supplémentaire pour souffrance et douleur (ISSD) afin que, dans les faits, un plus grand nombre d'anciens combattants handicapés aient droit à cette prestation; pour l'heure, seuls les anciens combattants souffrant d'une grave incapacité permanente y auraient droit. Il y a lieu de répéter que la grande majorité des anciens combattants handicapés ne seraient tout simplement pas admissibles à ce nouveau volet de la pension à vie qui est proposée.
Il convient de noter que le nouveau règlement relatif à l'ISSD reprend visiblement les conditions préalables à l'admissibilité de l'allocation pour déficience permanente (ADP)/allocation pour incidence sur la carrière (AIC). Depuis leur adoption, ces dispositions relatives à l'ADP/l'AIC ont donné des résultats restrictifs et arbitraires au fil des ans et sont devenues encore plus complexes avec l'établissement par ACC d'une formule en 2017 relativement à l'interprétation des catégories de l'AIC au moyen du test sur la « diminution de la capacité de gain ».
Il faudrait mettre en place une approche plus généreuse et facile à comprendre pour les modifications proposées au règlement dans le cadre de la prestation ISSD afin que la catégorie des anciens combattants handicapés soit davantage inclusive. Le CNAAC soutient depuis longtemps que les exigences des règlements s'appliquant à l'ADP/l'AIC et des lignes directrices de politique dans le cas des anciens combattants traditionnels constituent un « instrument rudimentaire » et non un « outil de précision » qui permettrait d'évaluer l'incidence globale qu'une blessure peut avoir sur un ancien combattant handicapé.
Dans le Programme législatif 2017 du CNAAC, nous avons soutenu que l'indemnité d'invalidité (indemnité pour souffrance et douleur) initialement accordée aux anciens combattants devrait être un facteur déterminant dans l'évaluation de l'admissibilité à l'AIC (ISSD). Le test sur la « diminution de la capacité de gain » mentionné précédemment, qui est utilisé par ACC, et les critères apparemment nouveaux énoncés dans les modifications réglementaires concernant l'admissibilité à l'ISSD ne sont, à notre avis, qu'une approche plus restrictive utilisée pour l'évaluation de l'admissibilité à l'indemnité d'invalidité.
En effet, le CNAAC est d'avis depuis longtemps qu'une telle utilisation du pourcentage pour l'attribution de l'indemnité d'invalidité (ISD) mènerait à une solution plus simple et plus facile à comprendre au problème persistant de l'admissibilité à l'AIC (ISSD). Voici la forme que prendraient les critères d'évaluation pour l'AIC (ISSD) :
Indemnité d'invalidité (ISD) | Catégorie – AIC (ISSD) |
78 % ou plus | 1 |
48 % – 78 % | 2 |
On pourrait également appliquer le pourcentage de l'II (ISD) avec plus de précision en utilisant le percentile par rapport à la somme maximale de l'AIC/ISSD offerte – par exemple, l'ancien combattant ayant droit à une II (ISD) de 65 % recevrait 65 % de la somme maximale de l'AIC (ISSD). Aux fins d'une évaluation de catégorie 3, nous recommandons d'utiliser de la même manière le percentile de l'II (ISD); par exemple, l'ancien combattant ayant droit à une II (ISD) de 25 % recevrait 25 % de la somme maximale de l'AIC (ISSD). Il convient de noter que cette quantification de l'incidence sur la carrière est utilisée en vertu de la Loi sur les pensions depuis près de cent ans pour évaluer la perte de la capacité de gains d'un ancien combattant handicapé aux fins de la pension à vie.
L'adoption de ce genre d'approche aurait aussi l'avantage d'améliorer la pension à vie puisqu'elle engloberait un plus grand nombre d’anciens combattants handicapés et s'attaquerait à la question fondamentale de la parité dans les prestations prévues par la Loi sur les pensions.
En ce qui a trait aux modifications réglementaires tirées du projet de loi C-74, partie 4, nous craignons également que les conditions préalables établies dans le règlement pour ce qui est de l'ISSD relativement à l'invalidité que constitue l'amputation soient encore définies de façon arbitraire, tant pour ce qui est de l'admissibilité que de la catégorie désignée.
Il faut préciser que l'amputation à la hauteur du genou, ou au-dessus de celui-ci, ou à la hauteur du coude, ou au-dessus de celui-ci, fait encore partie des exigences fondamentales appliquées pour déterminer l'admissibilité d'une personne amputée d'un seul membre. Nos années d'expérience auprès de l'Association des Amputés de guerre du Canada nous démontrent clairement que la perte d'un membre, peu importe le niveau de l'amputation, représente une « déficience permanente et grave » pour l'ancien combattant – la façon de faire courante qui est de nature arbitraire n'est pas justifiée et devrait être modifiée.
Depuis mon entrée en service il y a plus de quarante ans, l'Association des Amputés de guerre a littéralement traité des centaines de demandes d'allocation spéciale et a participé dès le départ à la formulation des lignes directrices s'appliquant à l'allocation d'incapacité exceptionnelle (AIE) et à l'allocation pour soins et à la détermination des catégories. Nous tenons à mentionner que ces deux allocations spéciales, l'AIE et l'allocation pour soins, font partie intégrante de l'indemnisation offerte aux amputés de guerre et aux anciens combattants gravement handicapés régie par la Loi sur les pensions.
À notre avis, il est tout aussi intéressant de savoir que les catégories appliquées pour ces allocations ont tendance à augmenter à mesure que l'ancien combattant vieillit et que les « ravages » de l'âge se font sentir; en effet, les affections n'ouvrant pas droit à pension, comme l'apparition d'une maladie du cœur, d'un cancer ou du diabète par exemple, font partie intégrante du processus décisionnel relatif à l'AIE/allocation pour soins uniquement en vertu des politiques découlant de la Loi sur les pensions dans ce contexte.
Par ailleurs, il convient de souligner qu'ACC fait référence à la nouvelle allocation de reconnaissance des aidants naturels, qui est de 1 000 $ par mois, pour laisser entendre que le gouvernement tente de répondre aux besoins des familles des vétérans handicapés. La communauté des anciens combattants se demande encore pourquoi le gouvernement a décidé de « réinventer la roue » dans ce domaine pour répondre au besoin relatif à la prestation de soins en vertu de la Nouvelle Charte des anciens combattants/Loi sur le bien-être des vétérans. Depuis plusieurs décennies, l'allocation pour soins (et ses cinq catégories) s'est avérée efficace à cet égard en offrant une indemnisation nettement supérieure et en appliquant des critères d'admissibilité plus généreux. Dans un tel contexte, il faut noter que le conjoint ou la conjointe ou un membre de la famille de l’ancien combattant gravement handicapé doit souvent renoncer à des possibilités d'emploi intéressantes pour prendre soin de ce vétéran; la somme de 1 000 $/mois n’est donc pas suffisante pour compenser la perte de revenu. ACC devrait revenir à l'allocation pour soins et verser cette prestation directement aux aidants si cette façon de faire est souhaitée.
Nous suggérons fortement qu'ACC continue d'intégrer les allocations spéciales de l'AIE/allocation pour soins dans la Nouvelle Charte des anciens combattants/Loi sur le bien-être des vétérans avant d’adopter officiellement les présentes modifications législatives/réglementaires le 1er avril 2019, ce qui permettra de se pencher sur les lacunes observées dans la pension à vie.
En ce qui a trait à la nouvelle loi et aux modifications réglementaires, voici quelques-unes de nos préoccupations importantes concernant l'évaluation du calcul de la nouvelle prestation de remplacement du revenu :
en ce qui a trait à la hausse de 1 % dans la prestation de remplacement du revenu (PRR), il faut noter que cette hausse du centile a visiblement une moins grande incidence financière lorsque le nombre d'années de service militaire cumulées par l'ancien combattant handicapé est plus élevé et disparaît complètement dans le cas des anciens combattants qui ont servi pendant plus de 20 ans avant d'être blessés ou de devenir invalides;
Il importe aussi de relever que, avec l'élimination du supplément à l'AIC (soit une allocation de 12 000 $ par année), les anciens combattants ayant présenté une demande après le 1er avril 2019 seront éventuellement désavantagés en raison de l'incidence de ce calcul mathématique puisque, pour de nombreux anciens combattants, la hausse de 1 % dans la PRR ne viendra pas compenser la perte rattachée au supplément à l'AIC;
Nous suggérons respectueusement que le Ministère tienne compte de l'incidence de ces facteurs concernant la nouvelle prestation de remplacement du revenu pour s’assurer que cette hausse de 1 % aura une incidence importante et utile sur les anciens combattants handicapés qui ont besoin d'une telle source de remplacement du revenu à vie. Par ailleurs, nous souhaiterions qu'ACC adopte finalement le modèle de revenu progressif mentionné précédemment qui serait appliqué dans le cadre d'une nouvelle structure d'AIC conformément à l'approche utilisée par les tribunaux canadiens pour déterminer la « perte future de revenus ».
En résumé, il est primordial de comprendre que la communauté des anciens combattants s'attendait réellement à ce que le « rétablissement » d'une pension à vie ne soit pas seulement qu'une stratégie pour donner suite aux préoccupations d'une petite minorité d’anciens combattants handicapés, mais qu'il serve également à reconnaître l’ensemble des anciens combattants handicapés qui ont besoin d'une sécurité financière pour vivre avec différents niveaux d'invalidité.
En terminant, soulignons que le ministre parle constamment de l'importance que le gouvernement accorde aux programmes de bien-être, de réadaptation et d'éducation relevant de la Nouvelle Charte des anciens combattants/Loi sur le bien-être des vétérans. Comme nous l'avons déjà fait à maintes reprises, nous tenons à féliciter ACC pour les efforts qu'il consacre à l'amélioration de ces politiques d'une grande importance. Le CNAAC reconnaît la valeur et l'importance des programmes de bien-être et de réadaptation; nous sommes toutefois d’avis que la sécurité financière constitue encore et toujours un besoin vital pour la réussite de toute stratégie de bien-être ou de réadaptation. On comprend aisément qu'il ne s'agit pas d'un choix entre le bien-être et une indemnité financière, comme le laissaient entendre le ministre et le premier ministre, mais plutôt de nécessités conjuguées pour toute approche de réinsertion optimale des anciens combattants libérés pour des raisons médicales.
Dans un monde idéal, nous aimerions croire qu'ACC, de concert avec des groupes consultatifs ministériels pertinents et d'autres intervenants représentant des anciens combattants, peut « sortir des sentiers battus » et, avec le temps, travailler en collaboration afin de créer un modèle de programme exhaustif qui, essentiellement, traiterait tous les anciens combattants présentant des invalidités comparables de la même façon au moment d'appliquer les politiques sur les prestations et le bien-être; on en viendrait ainsi à éliminer les dates limites arbitraires qui classent les anciens combattants en fonction de la date à laquelle ils ont été blessés, soit avant ou après 2006.
À notre avis, l'adoption d'un tel objectif stratégique novateur présenterait un avantage de plus : faire comprendre à la communauté des anciens combattants qu'ACC est prêt à prendre des mesures progressives pour procéder à une réforme législative dépassant la portée de la mesure législative découlant du projet de loi C-74, partie 4, et ainsi régler cette question fondamentale qui préoccupe les anciens combattants canadiens.
Si l'on compare « des pommes avec des pommes » pour obtenir une image réaliste, on constate qu'il existera toujours un écart significatif entre l'indemnisation reçue par les anciens combattants gravement handicapés en vertu de la Loi sur les pensions et celle obtenue sous la Nouvelle Charte des anciens combattants (Loi sur le bien-être des vétérans) lorsque les propositions du ministre, annoncées le 20 décembre 2017, entreront en vigueur en avril 2019. Dans le présent contexte, il est essentiel de comprendre que les montants réels maximums de l'indemnisation relevant de chaque régime législatif seront les suivants :
NOUVELLE CHARTE DES ANCIENS COMBATTANTS/LOI SUR LE BIEN-ÊTRE DES VÉTÉRANS (2019)
Indemnité pour souffrance et douleur (par mois ou montant forfaitaire) | 1 150,00 $ | |
Indemnité supplémentaire pour souffrance et douleur | 1 500,00 $ | (seulement pour les anciens combattants atteints d'une déficience grave et permanente) |
Allocation aux soignants (par mois) | 1 000,00 $ | |
Total (maximum par mois) | 3 650,00 $ |
LOI SUR LES PENSIONS
Ancien combattant qui a deux enfants | ||
Pension d'invalidité (maximum par mois) | 4 118,00 $ | Remarque : La Nouvelle Charte des anciens combattants ne prévoit pas d'indemnité de retraite pour les membres de la famille/personnes à charge. |
Allocation d'incapacité exceptionnelle (maximum par mois) | 1 478,00 $ | |
Allocation pour soins (maximum par mois) | 1 848,00 $ | |
Total (maximum par mois) | 7 444,00 $ |
Ancien combattant qui vit en couple | ||
Pension d'invalidité (maximum par mois) | 3 491,00 $ | Remarque : La Nouvelle Charte des anciens combattants ne prévoit pas d'indemnité de retraite pour les membres de la famille/personnes à charge. |
Allocation d'incapacité exceptionnelle (maximum par mois) | 1 478,00 $ | |
Allocation pour soins (maximum par mois) | 1 848,00 $ | |
Total (maximum par mois) | 6 817,00 $ |
Ancien combattant qui vit seul | ||
Pension d'invalidité (maximum par mois) | 2 792,00 $ | |
Allocation d'incapacité exceptionnelle (maximum par mois) | 1 478,00 $ | |
Allocation pour soins (maximum par mois) | 1 848,00 $ | |
Total (maximum par mois) | 6 118,00 $ |
Dans un tel contexte, il est intéressant de noter que le ministre et des cadres supérieurs d'ACC ont insisté, dans leurs déclarations publiques des derniers mois, sur le fait que des prestations et des services additionnels sont offerts uniquement en vertu de la Nouvelle Charte des anciens combattants/Loi sur le bien-être des vétérans en ce qui a trait aux programmes de remplacement du revenu, de réadaptation et de bien-être.
Nous tenons à féliciter Anciens Combattants Canada pour les efforts qu'il consacre à l'amélioration de ces politiques ministérielles portant sur le mieux-être et l'éducation. Toutefois, il convient de noter qu'il existe déjà un certain nombre de programmes composant avec des politiques de remplacement du revenu et de réadaptation essentiellement parallèles au sein du régime assujetti à la Loi sur les pensions qui prennent la forme de services et de prestations administrés par le ministère de la Défense nationale relevant de sa politique d'assurance invalidité de longue durée (ILD) et de ses programmes de réadaptation professionnelle du RARM.
Même si, au moment de la promulgation de la Nouvelle Charte des anciens combattants en 2006, Anciens Combattants Canada s'est engagé à éliminer les programmes d'ILD et de réadaptation professionnelle du RARM et à créer un nouveau modèle d’excellence pour ces programmes de mieux-être, la réalité est la suivante : la politique d'assurance pour les invalidités de longue durée et la réadaptation professionnelle du RARM a été et continue d'être aujourd'hui « le premier palier d'intervention » pour la grande majorité des anciens combattants handicapés qui ont été libérés des Forces armées canadiennes pour des raisons médicales à la fois en vertu de la Loi sur les pensions et de la Nouvelle Charte des anciens combattants.
Notre prise de position repose sur le principe fondamental suivant : nous aimerions croire en la possibilité que le ministre puisse être convaincu que, au lieu de choisir l'un ou l'autre des régimes législatifs, il faudrait reprendre les meilleures parties de la Loi sur les pensions et les meilleures parties de la Nouvelle Charte des anciens combattants/Loi sur le bien-être des vétérans pour produire un meilleur modèle d'indemnisation et de bien-être appliqué à l'ensemble des anciens combattants handicapés du Canada.
Il devient encore plus important de reconnaître l'incidence de la politique de pension à vie, en vertu de la Loi sur le bien-être des vétérans qui entre en vigueur le 1er avril 2019, sur les anciens combattants handicapés, que l'on pourrait considérer comme étant atteints d'une incapacité moyenne, étant donné que l'écart sur le plan de l'indemnisation financière est encore plus marqué.
Prenons, par exemple, un ancien combattant dont l'invalidité a été évaluée à 35 % :
Il est important de savoir que, lorsqu'un ancien combattant gagne 66-2/3 % de la solde qu'il retirait avant sa libération, il n'est plus admissible à la PRR et que, étant donné que son incapacité n’est pas considérée comme étant « grave et permanente », l'ancien combattant n'est pas admissible à la nouvelle indemnité supplémentaire pour souffrance et douleur.
Ainsi, selon l'annonce faite par le ministre le 20 décembre 2017, l’ancien combattant recevra l'indemnité pour souffrance et douleur suivante :
35 % de 1 150,00 $ | (402,50 $/mois ou 4 830,00 $/année) |
Par contre, l'ancien combattant assujetti à la Loi sur les pensions à un taux de 35 % recevra la pension d'invalidité suivante :
35 % de 2 792 $ s'il vit seul | (977,20 $/mois ou 11 726,40 $/année) |
35 % de 3 491 $ s'il vit en couple | (1 221,85 $/mois ou 14 662,20 $/année) |
35 % de 4 118 $ s'il vit en couple et a deux enfants | (1 441,30 $/mois ou 17 295,60 $/année) |
Soulignons que cette analyse fait ressortir le très grand écart financier qui existe pour ce type d'ancien combattant atteint d'une incapacité moyenne. Il est indispensable de reconnaître que, à partir du 1er avril 2019, on s'attend à ce que plus de 80 % des anciens combattants handicapés assujettis à la Nouvelle Charte des anciens combattants/Loi sur le bien-être des vétérans appartiennent à cette catégorie d'indemnisation. Malheureusement, il est évident qu'il existe encore deux catégories distinctes d'anciens combattants pensionnés, et cette réalité demeure inacceptable pour l’ensemble de la communauté des anciens combattants.
© 2024 CNAAC